Le soleil se couchait ce soir-là, faisant glisser l’ultime lueur de ses rayons dans le golfe de San Fiurenzu tandis que chaque camp savourait le répit que la nuit impose à tous, se réjouissant de voir leurs forces dopées par une précieuse aide extérieure.
Nugolone commandait ses armées depuis son camp de l’Ostriconi. Il envisagea de prendre les assiégeants chrétiens en tenaille, les surprenant sur terre en contournant l’Agriate, et sur mer avec la flotte venue d’Afrique. Il envoya deux galères informer Ciacon de ses plans.
Quant à Ugo Colonna, il rencontra le Comte de Barcelone, qui s’était immiscé sans éveiller de soupçon dans la cité de Nebbio, derrière le bras de terre de Mortella. Tous deux se mirent d’accord sur la stratégie à adopter, avec l’avantage de connaître les forces de l’ennemi. Le Comte de Barcelone rejoignit ses navires, embarqua à bord, prêt à aborder les galères mauresques.
Celles-ci arrivèrent alors que le jour n’était pas encore levé, longeant la côte quand, soudainement, ils virent jaillir les naves battant pavillon catalan. Pris par surprise, les Maures ne purent opposer de résistance et furent taillés en pièces par les envoyés du Pape, à l’exception de ceux acceptant de se rendre. Ceux-là finirent prisonniers. Seuls quelques-uns parvinrent à s’enfuir à la nage. Ils regagnèrent le rivage et disparurent à grandes enjambées à travers le maquis, pour retrouver après une longue et éprouvante course en arrière le camp de l’Ostriconi, où le roi Nugolone attendait impatiemment le signal d’attaquer le camp d’Ugo Colonna.
Que ne fut sa surprise, et sa rage, lorsque celui-ci apprit des rescapés qu’ils avaient été interceptés et défaits par des renforts en provenance, d’après la langue qu’ils les entendirent parler, de Catalogne. Nugolone savait leur valeur, et combien leur chef, le Comte de Barcelone, était redoutable sur terre comme sur mer pour les choses de la guerre. La nouvelle de cette coalition d’armées catalanes et romaines, déjà renforcées par de nombreux Corses, y compris ceux qui s’étaient faits Maures, déplut à Nugolone. Il prit conscience de la difficulté qui se profilait alors pour réaliser son plan de défense de Nebbio, certaine de tomber à présent. Après quoi, Corduvella serait assurément la prochaine cible et ne saurait résister, malgré les renforts venus d’Afrique.
Furieux et paniqué, il ordonna la levée du camp vers Corduvella, qu’il se résigna à quitter l’île pour l’Afrique, abandonnant tout aux chrétiens. Il ne laissa à son peuple que le temps d’armer les naves et navires, pour que celui-ci emporte avec lui ses biens et autres richesses, avant que le roi n’ordonne, de rage et d’orgueil, d’incendier la cité balanine, les récoltes et tout ce qu’il pouvait avoir laissé, non sans honte, derrière lui. Les chrétiens, ayant appris la nouvelle, sautèrent de joie, à l’inverse des Maures d’origine qui, eux, ressentirent l’inqualifiable douleur d’avoir été laissés en proie aux Corses par leur roi.
Désemparés, désorganisés et sous le choc, Nebbio tomba alors facilement aux mains de l’armée d’Ugo Colonna, et Ciacon et Licaone, les hommes forts de la place, se rendirent sans condition. Ils obtinrent du Comte Ugo un sauf-conduit qui leur permit de regagner Corduvella, en flammes, quittant à leur tour l’île dans le sillage des autres Maures.
Pour fêter cette victoire tant espérée, les Corses bâtirent alors, dans la cité délivrée de Nebbio une église qu’ils dédièrent à Santa Maria. Elle reste encore à ce jour la sainte protectrice de notre patrie. L’édifice n’est autre que la cathédrale Santa Maria Assunta, à San Fiurenzu.
A seguita in u prossimu episodiu…
Thomas Selvini