Populares et Optimates

Oui, il est vulgaire en effet. Excessif. Tonitruant. Décadent, sans aucun doute. Cynique, c’est certain. Et lui correspondrait tout à fait une longue liste de qualificatifs tous plus dépréciatifs les uns que les autres. Oui. Et après ? Le corps social cherche-t-il vraiment des vertueux pour le conduire ? Certainement pas. Il peut prétendre le contraire. Il se moque de la vertu. De la sainteté. De la gentillesse. De l’honnêteté. De tout ce qui rend l’individu appréciable. D’ailleurs, les candidats à la bonté sont suffisamment nombreux dans le champs politique sans que cela ne leur garantisse quelque succès. Pourrait-on se risquer à dire que les bons sentiments affichés des élites sont précisément ce que le peuple a le plus à craindre ? Les plus corrompus parlent d’honnêteté. Les plus antipathiques de fraternité. Les plus égocentriques de projet collectif. Les plus vindicatifs de tolérance. Les plus indifférents au sort de leur voisin d’accueillir le monde entier. Rien de bien nouveau. Le sophisme secouait déjà l’Athènes antique il y a plus de deux mille ans.

L’expression publique occidentale, gouvernée par une religion nouvelle et hégémonique, est devenue une vaste supercherie puritaine. Et Trump, ce grand hérétique, met à bas l’autel. L’écologie ? Certes. Parlons malgré tout de ces ouvriers déclassés dans l’ouest de la Virginie qui a vu fermer toutes ses usines de charbon. Le privilège blanc ? Pourquoi pas. Mais parlons de ces millions d’employés blancs, précaires et livrés à l’abandon, qui doivent endurer les sermons insupportables de quelque richissime chanteuse issue de l’immigration et des minorités. L’inclusivité ? À certains égard, évidemment. Mais hors de question d’accepter de mutiler de jeunes garçons endoctrinés. Même si la castration est élégamment qualifiée de « transition de genre ». La tolérance ? Oui, mais sans renoncer à la parole et au droit à proclamer ses propres vérités. La générosité ? Certainement, mais surtout et avant tout envers les citoyens du pays. Trump cloue à la porte de la cathédrale bien-pensante ses quatre-vingt-quinze thèses. 

Et si ce n’était que cela. Aucune époque, aucune doxa, aucune société ne manque de contradicteurs et de séditieux. Mais ce séditieux-là soulève les foules. Il vient de l’élite, la connaît bien. En partage certainement une partie des vices intrinsèques. En revanche, une différence essentielle le retranche de sa propre classe sociale. Trump aime le peuple. Trump comprend le peuple. Le peuple dans ce qu’il a de plus ordinaire et de plus méprisé par les grands ce monde. Il parle pour lui. Le Trump servant à Mac Donald. Le Trump au volant d’un camion d’éboueurs.  Le Trump moqué par le show-biz new-yorkais, vilipendé par les médias main stream. Et le peuple le ressent. Depuis les Gracques, Claudius, Marius, César et Auguste, les grandes civilisations décadentes s’articulent momentanément autour d’une dialectique passagère mais essentielle dans l’Histoire des Hommes. La société telle qu’elle est érigée ne convient plus au plus grand nombre. Ses antagonismes sociaux et idéologiques s’exacerbent. Apparaît alors l’opposition virulente entre une élite qui veut conserver son pouvoir et le peuple qui veut, qui doit mettre à bas le régime.  D’une part les optimates, défenseurs de l’oligarchie, et d’autre part les populares, défenseurs des intérêts du peuple. À gauche les oligarques, à droite les populistes. Notre génération devra-t-elle choisir entre Marius et Sylla ? Entre César et Brutus ? Entre ceux qui, disposant de toutes les forces du système, veulent conserver leurs privilèges économiques, politiques et moraux ; et ceux qui, armés du soutien populaire et guidés par les tribuns de la plèbe, viennent demander des comptes sur les marches du Sénat. Cela semble toujours plus évident.

Niculaiu Battini

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