Nous sommes au VIIème siècle de notre ère.
Au lointain Orient, une nouvelle religion émerge: l’Islam. Ses adeptes, les musulmans, engagent depuis la péninsule arabique, une redoutable conquête de l’Ouest qui, lorsqu’elle ne se fait pas par le verbe, de ceux mêlant la ruse à la séduction, se concrétise par le fil tranchant de l’épée. C’est ainsi que le prédicateur Ali accompagné de Lanzancisa, un puissant guerrier, s’emparaient de l’île, ce dernier devenant le premier roi maure d’une Corse résignée car dépourvue de ses forces et abandonnée par Rome, trop affairée dans d’autres guerres en d’autres contrées. Voilà plus d’un siècle maintenant que les Maures se succèdent sur le trône, et en cette année 816, de l’autre côté de la Tyrrhénienne dans la Cità Eterna, trois nobles chevaliers désireux de se racheter auprès du Pape et de l’Empereur carolingien Louis le Pieux, acceptent de prouver leur loyauté en menant la reconquête de la Corse: Ugo Colonna, Amundo Nasica, et Guido Savelli. Accompagnés de 1000 fantassins et 200 cavaliers, ils traversèrent alors la mer pour la Corse au mois de mai de cette même année, pénétrant de nuit dans l’embouchure du Tavignanu qu’ils remontèrent et, après avoir débarqué en silence aux abords d’Aleria, firent repartir les navires en Terra Ferma, de sorte que les premières lueurs du jour ne trahissent leur présence. Ne leur laissant aucun autre choix que celui de poursuivre leur intrépide mission.
Ugo Colonna positionna alors ses hommes dans les bois alentours, guettant l’occasion de pénétrer dans la cité. À l’ouverture des portes au matin, la percée fut ordonnée et, s’engouffrant dans une Aleria surprise, ses gens qui, naturellement, voulaient résister, n’en eurent que peu à opposer à la force des troupes d’Ugo Colonna. Parmi eux, les Corses convertis, rassurés de pouvoir conserver leurs biens contre leur obéissance et, se rappelant avoir jadis été Romains, retrouvaient la volonté de le redevenir. Les Maures, en revanche, saisis d’effroi, s’en allèrent retrouver le roi Nugolone à Corduvella, en Balagna. Mécontent, ce dernier partit assiéger l’antique Alalia, accompagné de Chiarello de Valle d’Umbria, un chevalier fait Maure réputé invicible, ainsi que de 4000 hommes. Bien que pouvant compter sur la valeur de ses hommes, Ugo se rendit à l’évidence: le rapport de force jouait en la faveur de Nugolone en cas de combat. Supporter le siège, à l’affût d’une opportunité, restait la moins mauvaise option.
Ainsi débutait, dans un péril certain : la reconquête de la Corse !
Episodiu 2 : L’assediu
Un jour, Chiarello fut aperçu se dirigeant à l’écart des troupes, occasion que saisit Ugo Colonna, envoyant discrètement son neveu Orlandino, un chevalier d’exception, pour le prendre par surprise. Ce dernier assaillit Chiarello tel un éclair, le tua et se replia aussitôt dans la cité, toujours assiégée.
Ugo Colonna rassembla alors ses hommes et tint un discours appelant tant à la patience qu’à la détermination, rappelant que tous combattaient au nom du Christ contre les infidèles, avec pour mission de sauver l’île prise dans les griffes sarrasines. Cela eut pour effet de maintenir leur moral .
Alors que le siège entrait dans son troisième mois, Ugo fit un rêve. Il eut une vision, un chevalier armé d’une épée, coiffé d’un heaume surmonté d’une pomme d’Or, un frein de cheval à la main, et qui criait « vive la foi chrétienne ! ». En songe, Ugo lui demanda qui il était, le chevalier répondit qu’il était Constantin, premier empereur à avoir doté l’Église et promu la foi du Christ, et qu’il était contrarié de voir que la campagne de reconquête d’Ugo était à l’arrêt. Constantin ajouta qu’il lui était apparu pour l’aider, et que ses hommes devaient reprendre le combat car Dieu leur donnerait la victoire.
Ugo Colonna, au réveil, décida de sortir discrètement hors les murs, pour observer l’état du camp des assiégeants. Ceux ci avaient diminué de près de 3000 hommes, que le temps et le moral, affecté par la fatale défaite de Chiarello leur meilleur chevalier avaient résolus à déserter. Il rasssembla alors ses hommes, les informant du rééquilibrage des forces et, après leur avoir partagé sa vision, les exhorta à se surpasser pour l’assaut salvateur qu’il allait lancer.
Plaçant le capitaine Carpetta à la garde de la cité, Ugo Colonna répartit ses hommes sous les commandements de Guido Savelli à l’avant garde, et Amundo Nasica à l’arrière garde. Tous précédés par Arguto, chevalier romain de valeur, pour porter l’étendard, escorté par les chevaliers Dardano et Orlandino.
Invoquant le nom de Dieu, il prépara ses hommes à la bataille, galvanisés tant par le bien fondé de leur mission qu’ils étaient convaincus de la force de leur bras, divinement guidés, et de leur courage. Libérés qu’ils étaient de la crainte de la mort qui, en combattant pour Dieu, leur assurait le Paradis au ciel et la gloire éternelle sur Terre.
Les portes s’ouvrirent, pour un affrontement décisif. Alea jacta est.
Episodiu 3 : Rabbiosa caccia
Avançant d’un pas aussi rapide que déterminé, les hommes d’Ugo Colonna les rattrapèrent en une percée foudroyante pour les Maures, notamment pour le vaillant guerrier Lamin, que Guido Savelli tua au cours d’un combat singulier. Ugo Colonna poursuivait la chasse, et entra dans le camp ennemi.
Le Roi Nugolone, présent dans l’enceinte, l’affronta dans un mémorable duel à cheval, où Ugo Colonna le fit chuter. S’étant solidement accroché aux rênes, celui ci mit toutes ses forces pour remonter aussitôt sa monture, ses fidèles soldats accoururent vers lui tant pour l’aider que pour le défendre, s’exposant courageusement à la cavalerie d’Ugo. Plus de vingt d’entre eux furent tués et, comprenant la valeur des soldats romains, et la vigueur avec laquelle ils combattaient, conscients de leur désorganisation, les Maures prirent chaotiquement la fuite. Désemparé, le roi Nugolone fit de même, remontant le Tagnone jusqu’à Rospigliani, où il se décida à poursuivre sa retraite jusqu’à Corti où il pourrait trouver refuge.
Ugo Colonna et ses hommes continuèrent de tuer nombres de Maures, les pourchassant sans relâche, et la nouvelle de la mise en déroute se répandit dans toute l’île et même au delà. Ce qui eut pour effet de redonner espoir et courage aux Corses chrétiens, plusieurs s’engageant aux côtés des Romains, dont les rangs ne cessaient de croître. Réfugié non sans honte dans l’enceinte Curtinesa, Nugolone prit les mesures d’urgence et envoya Masapo et Candavaro organiser la garde des cités de Mariana et Nebbio, alors sous le joug des Maures. Candavaro fut également chargé d’informer le roi d’Afrique de la situation, afin que celui ci envoya des renforts.
Ugo Colonna, dans la chasse à l’homme qu’il menait contre Nugolone, s’arrêta dans un premier temps dans la plaine de Poghju di Venacu, car pour pénétrer dans la cité de Corti, cette fois, il ne pourrait plus compter sur la surprise. Cela serait même éprouvant alors, il se mit à demander l’aide des Corses des alentours, fussent ils chrétiens ou faits maures, ainsi qu’aux Maures eux mêmes, leur assurant bon et loyal traitement contre leur aide. Quelques jours plus tard, ayant rassemblé suffisamment d’hommes, de vivres, et de bétail pour tenir l’inéluctable siège qui s’annonçait, Ugo Colonna décida de positionner son camp au sud de la ville, aux contreforts du Cardu, donnant à Candavaro une dernière chance de se rendre au bénéfice de sa clémence.
Episodiu 4 : A Presa di Corti
Celui ci, courroucé par la déroute d’Aleria, répondit au chevalier romain qu’il préférait perdre sans miséricorde plutôt que de se rendre. Les Maures avaient chassé les Chrétiens de Corti, Ugo Colonna comprît alors qu’il serait difficile de gagner les habitants à sa faveur, ceux ci étant probablement fidèles à Candavaro. Il avertit alors qu’il userait de tous les moyens nécessaires pour reprendre la cité, mais malgré plusieurs assauts, il échoua à les en déloger, et se résolut à les vaincre par une guerre d’usure. L’automne passa. Puis vint l’an neuf. Au mois de février, le rude hiver curtinese affaiblissait les Maures, dont les réserves tarissaient. Apercevant des mouflons redescendus des cimes, ils entreprirent une furtive sortie pour les chasser et ainsi regagner quelque chance de résister à ce siège, chaque jour plus éprouvant. Ugo Colonna, patient et observateur, comprit que les mouflons leur seraient vitaux. Il fit alors surveiller toute sortie de la cité, ordonnant de ne pas intervenir.
Et une nuit, comme attendu, cela se produisit. Privée de nombres de ses occupants sortis chasser, Corti était désormais à la portée des soldats d’Ugo Colonna, qu’il mit en ordre de bataille, et parmi lesquels figuraient deux de ses fils, Bonifacio et Cinarco. Jusque là cantonné aux arrières, Bonifacio, désireux de prouver sa valeur, insista pour figurer en première ligne, aux côtés d’Orlandino, Dardano, et du chevalier porte étendard, Arguto. Ils foncèrent vers les murailles, près de l’église San Marcellu (actuelle place Saint-Marcel, l’église ayant été détruite au XIXe), où Ugo Colonna fit placer les machines de guerre, tandis que son fils descendait vers une autre porte de l’enceinte.
Candavaro sonna la trompette afin que les Maures partis au mouflon reviennent. Mais Bonifacio Colonna avait déjà pénétré la place, avec ardeur, ne laissant guère autre choix que celui du combat à Candavaro, qu’il tua. Il poursuivit l’assaut avec une fureur telle, que les Maures encore vivants préférèrent, finalement, se rendre. Ugo Colonna ne fit preuve d’aucune clémence, comme il l’avait prévenu, et fit de la résistance mauresque de Corti un exemple pour les futures cités à délivrer. Il détruisit de nombreux bâtiments, dont les pierres servirent à finir son Palazzu à Poghju di Venacu, ainsi que l’Eglise de San Ghjuvanni, puis restaura la cité d’Aleria, qu’il repeupla de Chrétiens. Mais, aussitôt informé du revers subi, furieux, Nugolone avisa les rois de Tunis et de Bône, pour obtenir les renforts nécessaires à sa revanche.
Episodiu 5: A Ghjustra per Marianna
Mais les guerres entre ces derniers l’en privèrent. Dans le même temps, Ugo Colonna, fort de ses succès, vit nombre de Corses chrétiens étoffer son armée. Il considéra que pour reconquérir la Corse, il était capital de faire tomber les places fortes. Ainsi, il fit de Mariana, l’autre grande cité de l’île, son objectif suivant. Il voulut la prendre avant l’été de cet an 817, pour ne pas que la fournaise estivale compliquât la tâche de ses soldats.
Après un bref répit, Romains et Corses se présentèrent devant les portes de Mariana. Ugo Colonna vit apparaître sur la muraille le redoutable capitaine Masapo, chef de la place, et lui proposa, comme précédemment à Corti, la paix en échange de sa reddition. Conscient de son talent pour les armes, il répondit qu’il ne se rendrait pas. Un nouveau siège débutait. Intrépide, Masapo, qui redoutait un long siège, entreprit plusieurs sorties éclair de la cité, dans des escarmouches souvent victorieuses. Il fit notamment plusieurs prisonniers de choix au cours de celles ci, tel Orlandino Colonna, Amundo Nasica ou encore Guido Savelli, amputant Ugo Colonna de ses principaux chefs. Une nuit, son fils Bonifacio fit un rêve. Un ours dévorait chaque soldat de la garnison. Quand l’animal se présenta devant lui, il dégaina son épée, le tailla en pièces, et mit fin au carnage. Il prit le songe pour un signe, et alla voir son père, dont le moral était atteint, afin de lui demander l’autorisation de combattre Masapo. S’il craignit pour la vie de son fils dans un combat singulier avec un guerrier en pleine confiance, il se résolut à accepter car le temps jouait désormais en leur défaveur.
Bonifacio se présenta aux portes de la cité, et provoqua Masapo en duel. Les Maures sur les fortifications et les Chrétiens dans le camp, assistèrent à la joute entre les deux chevaliers, qui se rendaient coup pour coup, jusqu’à ce que la lame de Bonifacio blesse Masapo au point de le faire tomber de son cheval. Il fut fait prisonnier. Après plusieurs jours de captivité, Masapo, dont le traitement était digne de sa valeur, accepta de se convertir. Prestigieux et digne de confiance, de nombreux Maures de la cité qui l’estimaient, principalement ceux d’origine chrétienne, en firent de même, préférant aussi la clémence d’Ugo Colonna à une reprise des hostilités à l’issue certainement fatale. Dans le but de les baptiser, l’église de la Canonica fût édifiée. À Aleria, les derniers Maures les imitèrent, et on y bâtit Saint-Marcel, en hommage à la Chiesa San Marcello du quartier d’Ugo Colonna à Rome, toujours visible Via del Corso.
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Thomas Selvini