L’économie du feu en Californie : Entre interventionnisme et résilience naturelle

La Californie, un État emblématique des États-Unis, a récemment été frappée par une série de feux de forêts dévastateurs, marqués par une intensité et une fréquence sans précédent. Chaque année, des milliers d’hectares de terres sont ravagés, mettant à l’épreuve la capacité de l’État à gérer cette catastrophe naturelle. En 2020, par exemple, la Californie a connu l’une de ses pires saisons d’incendies de l’histoire, avec plus de 4 millions d’acres de forêts et de terres agricoles détruites. En plus des pertes humaines et matérielles tragiques, ces incendies ont exacerbé les problèmes environnementaux déjà présents dans la région, comme la sécheresse persistante, la dégradation de la qualité de l’air et l’épuisement des ressources naturelles.

Les conséquences économiques sont également colossales, affectant l’agriculture, l’assurance, les infrastructures publiques, ainsi que la santé et le bien-être des habitants. Dans le même temps, le changement climatique, avec ses sécheresses prolongées et ses vagues de chaleur extrêmes, alourdit encore la menace des incendies. Cependant, au-delà des catastrophes naturelles, des facteurs politiques, économiques et sociaux ont joué un rôle clé dans l’aggravation de la situation, notamment en matière de gestion des forêts, de politiques agricoles et de régulation des assurances.

La Californie est une région intrinsèquement liée aux incendies de forêts. Son climat méditerranéen, caractérisé par des hivers doux et humides ainsi que des étés chauds et secs, crée des conditions propices aux incendies. Les végétaux locaux sont bien adaptés à ces incendies périodiques, certaines plantes ayant même évolué pour dépendre du feu pour leur reproduction. De plus, les vents de Santa Ana, soufflant de l’intérieur des terres vers la côte, amplifient la propagation des flammes. Cependant, les actions humaines, combinées à des politiques étatiques souvent maladroites, ont exacerbé la fréquence et la gravité des feux. Une analyse des choix politiques, économiques et environnementaux met en lumière les limites de l’intervention de l’État.

Mauvaise gestion des combustibles

L’un des problèmes récurrents en Californie est l’accumulation de combustibles naturels. Historiquement, les populations indigènes utilisaient des brûlages contrôlés pour limiter l’accumulation de matière inflammable. Cependant, au cours du XXᵉ siècle, des politiques comme le Federal Fire Suppression Policy de 1935 ont mis en place une suppression systématique des incendies. Cette approche, bien qu’intentionnée, a mené à une accumulation excessive de broussailles et d’arbres morts, créant des conditions idéales pour des feux de forêts incontrôlables. Une mauvaise gestion des combustibles découle donc d’une politique qui freine les feux naturels ou contrôlés, ce qui aurait permis de réduire les risques.

Subventions agricoles et impact environnemental

L’agriculture en Californie, fortement subventionnée par des programmes fédéraux, joue un rôle indirect mais significatif dans l’écosystème des incendies. Les subventions aux cultures à forte consommation d’eau, comme les amandes et le riz, aggravent les pénuries hydriques. Cette exploitation excessive contribue à la sécheresse chronique, rendant les terres plus susceptibles de s’enflammer. De plus, des lois comme le Farm Bill, adopté périodiquement (le plus récent étant celui de 2018), encouragent ces pratiques agricoles intensives sans considérer leur impact à long terme sur les ressources en eau. Une étude de l’Environmental Defense Fund a également montré que ces politiques exacerbent les conditions de sécheresse.

En effet, la consommation excessive d’eau, particulièrement par des cultures comme les amandes (qui nécessitent 1 000 gallons d’eau pour produire une livre de fruits), a exacerbé ces problèmes. Les subventions fédérales pour ces cultures ont été critiquées, car elles favorisent une agriculture peu durable, en particulier dans un climat aussi aride.

Centralisation inefficace de la gestion forestière1

Environ 57 % des forêts californiennes sont sous la gestion du gouvernement fédéral, principalement via le U.S. Forest Service. Selon le rapport “Big Government, Big Fire” du Cato Institute, cette centralisation limite la capacité des acteurs locaux à répondre rapidement et efficacement aux crises. Les délais bureaucratiques ralentissent les initiatives telles que la réduction des combustibles ou les travaux d’aménagement des coupe-feu. Le financement fédéral, bien que massif, est souvent mal réparti, favorisant des mesures de réaction plutôt que de prévention.

Distorsions des marchés de l’assurance

Un autre point qu’il peut être louable d’aborder est celui des réglementations du marché des assurances. Les réglementations étatiques en Californie ont créé des distorsions importantes dans le marché de l’assurance habitation, notamment avec la mise en place du California Insurance Fair Plan en 1968. Ce plan a été conçu pour garantir une couverture minimale pour les résidents des zones à haut risque d’incendie. Toutefois, cette intervention étatique a eu des effets pervers. En imposant des plafonds de prix sur les primes d’assurance, les régulateurs ont incité les compagnies d’assurance à se retirer des marchés les plus risqués, car les coûts de couverture ne reflétaient plus les risques réels. 

Cela a entraîné une dépendance accrue de la population envers l’État pour les indemnités en cas de sinistre majeur, augmentant ainsi les coûts publics. Une étude de California State University a montré que 20 % des propriétaires en Californie vivent dans des zones où l’assurance incendie est soit inabordable, soit inexistante, ce qui a fait croître les dépenses publiques en cas de catastrophe, puisque les secours et compensations sont souvent financés par les fonds publics.

Cette distorsion a également découragé les initiatives de prévention. Les assurés n’ayant pas de primes correspondant à leurs risques réels, ils sont moins incités à adopter des stratégies préventives (telles que l’aménagement de zones de coupe-feu), car cela n’affecte pas directement leurs coûts d’assurance. Ainsi, cela empêche le marché privé d’ajuster les prix de manière à encourager une gestion proactive des risques.

Quelles solutions ?

Le Cato Institute propose plusieurs solutions basées sur des principes de responsabilité locale et d’incitations économiques. Par exemple, décentraliser la gestion forestière pourrait permettre aux collectivités locales d’adopter des stratégies adaptées à leurs besoins spécifiques. De même, encourager les marchés privés à ajuster les primes d’assurance en fonction des risques réels pourrait réduire la pression sur les finances publiques tout en incitant à des comportements plus responsables.

En conclusion, si les incendies sont un phénomène naturel en Californie, leur intensité actuelle résulte en grande partie de politiques étatiques mal conçues. Une réorientation vers une gestion locale, des marchés plus flexibles et une approche préventive pourrait réduire durablement les ravages causés par les feux.

Sources : 

Marius Joseph Marchetti

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