Dans certains villages corses, un problème est venu s’ancrer de façon durable dans l’espace communal, celui de l’abandon des biens immobiliers, bâtis et non bâtis.
Nous sommes tous témoins de la décrépitude de portions de terres agricoles jadis soutenues par les murs en pierres sèches qu’aujourd’hui presque plus personne ne sait reconstruire, ou encore de la maison au cœur du village, que de mémoire d’homme, personne n’a jamais vu occupée.
Aussi, quelle que soit leur nature, bâtis ou non, privés et même parfois publics, ces biens souffrent des désagréments du temps qui passe sans qu’aucun entretien ne soit apporté.
Ces biens, dits sans maîtres, laissés à l’abandon se trouvent bien souvent en état de ruine plus ou moins avancée, créant des nuisances de sécurité mais aussi en laissant place à la déshérence visuelle et donc de façon criante à l’abdication démographique.
Ainsi les héritiers bénéficiaient de l’avantage non négligeable de ne pas payer de frais de succession dans le cadre de ce régime fiscal dérogatoire. Le revers de ce dispositif, car il y en a toujours un, est que libérés de ces frais, les héritiers ne se trouvent pas dans l’obligation de solutionner rapidement le devenir des biens immobiliers.
Ainsi, quelles sont les origines de ces phénomènes particulièrement visibles sur l’île ? Que peut faire une commune lorsque qu’une propriété en déshérence ne dispose plus de propriétaires connus ?
– Premièrement, il est souvent constaté que les propriétaires de ces biens sont décédés sans laisser d’héritiers. Ainsi, à leur disparition, ces biens sont fermés et restent dans une sorte de statu quo pendant des années, voire des décennies, laissant le temps faire son mauvais œuvre sur tout ce qui est laissé en désuétude.
– Deuxième possibilité, les biens ont été mis à la succession au profit d’héritiers à la suite du décès des propriétaires. Le régime d’exception des arrêtés Miot a longtemps permis la réduction, voire la suppression totale des frais de succession, facilitant ainsi le règlement des indivisions successorales.
Ainsi les héritiers bénéficiaient de l’avantage non négligeable de ne pas payer de frais de succession dans le cadre de ce régime fiscal dérogatoire. Le revers de ce dispositif, car il y en a toujours un, est que libérés de ces frais, les héritiers ne se trouvent pas dans l’obligation de solutionner rapidement le devenir des biens immobiliers.
Puis, tout doucement au fil des ans et des successions, ces biens aux multiples propriétaires, basculent dans l’indivision. Non pressés par une quelconque obligation fiscale, les propriétaires se soucient guère de trouver un accord sur la reprise du bien par un ou des héritiers motivés.
Total des courses, ces biens sont laissés à l’abandon et finissent très vite en état de ruine.
– Troisième possibilité, ces biens sont la propriété de propriétaires uniques, identifiés et vivants qui ne peuvent assurer l’entretien de leurs biens.
Pourtant face à ce mal qui ronge les villages, et quelques fois aussi certains quartiers de villes ; comme notamment les hauteurs de Terra Vechja à Bastia ; des dispositifs légaux existent pour permettre aux communes de mettre à ce processus mortifère.
À ce titre, le GIRTEC (Groupement d’Intérêt Public de Reconstitution des Titres de Propriété de la Corse) agit depuis 2007 afin de remettre de l’ordre dans le foncier insulaire.
Ainsi, dans le cas où le propriétaire est décédé depuis plus de 30 ans sans laisser d’héritiers, la commune peut intégrer le bien de plein droit. Si elle refuse ce droit, le service des Domaines de l’État en devient propriétaire.
Dans le cas d’une succession multiple et conflictuelle et dès lors que la taxe foncière n’a pas été réglée depuis plus de trois ans, un bien en déshérence peut être intégré au giron communal en suivant une procédure d’une durée de six mois.
Enfin, dans le cas d’un bien laissé à l’abandon par un propriétaire n’ayant soit pas l’envie, soit pas de moyens financiers de s’atteler aux réparations, les communes peuvent proposer de se porter acquéreur de la propriété.
Car au-delà de l’aspect purement matériel qu’évoque la ruine, rayonne cet état de désolation qui affiche dans toute sa décrépitude un processus de fin, conduisant inexorablement à la mort d’un lieu, d’une époque, d’un mode de vie, le tout dans l’oubli de ceux qui nous ont précédé.
En cas de refus et de risques élevés pour la sécurité des passants, la commune peut engager une procédure de mise en demeure afin de sécuriser au plus vite l’espace public.
Si les refus subsistent, il est possible d’aboutir à une expropriation après une longue et fastidieuse procédure.
Ainsi, la réhabilitation des biens en état de ruines doit, à l’évidence, s’inscrire dans une démarche de redensification des zones rurales les plus touchées par le déclin démographique et le vieillissement de la population.
Aussi dans un souci de rééquilibrage des zones à peupler, il n’est plus à défendre que cette action publique dans les mains du pouvoir communal, ne doive constituer un levier majeur afin de réhabiliter les propriétés en déshérence.
Car au-delà de l’aspect purement matériel qu’évoque la ruine, rayonne cet état de désolation qui affiche dans toute sa décrépitude un processus de fin, conduisant inexorablement à la mort d’un lieu, d’une époque, d’un mode de vie, le tout dans l’oubli de ceux qui nous ont précédé.
Mais l’heure n’est pas encore venue pour mourir. Le chant du cygne est encore lointain.
Arduinna DUPAYS-CICCOLI