Il contrôlait désormais l’essentiel de l’île, dont la Piaghja Urientale, de Mariana à Aleria, ce qui lui permettait d’assurer un approvisionnement constant en vivres pour ses troupes, que la région produisait en abondance. Il décida alors, en cette fin de printemps 817, de s’emparer de Nebbio, l’actuelle San Fiurenzu, cité clé pour assaillir la capitale maure de Corduvella, avant-poste idéal sur la cité balanine, dont le golfe offre un abri naturel de premier choix pour une importante flotte de guerre.
Au préalable, il fit avertir le capitaine de la place, Ciacon, lui disant qu’il pouvait encore se rendre et s’éviter un sort funeste. Ciacon, neveu de Nugolone, sage et robuste guerrier qui avait fait ses preuves en Al-Andalus – l’Espagne conquise – prit conseil auprès des siens, qui se refusèrent à la capitulation. Un nouveau siège allait avoir lieu.
Le siège s’avéra plus difficile qu’escompté. La vaillance avec laquelle les Maures de Nebbio résistaient et combattaient depuis trois mois atténuait l’espoir de faire tomber la cité. Leur résistance n’était pas près de fléchir. Les Rois d’Afrique, qui mirent fin à leurs querelles, satisfirent enfin la requête de Nugolone et lui octroyèrent de précieux renforts. Près de 6000 hommes, 500 cavaliers, ainsi que la flotte qui les fit débarquer sur l’île à la fin du mois d’août. Aussitôt accueillis, Nugolone les positionna dans la pieve d’Aregnu, dans le but de défaire les assiégeants chrétiens.
Lorsqu’il apprit cela, Ugo Colonna fut contraint de se rendre à l’évidence : il fallait lever le siège.
Cependant, tandis que les deux camps s’affrontaient, à Rome, Pascal Ier succédait au pape Étienne IV, décédé. Expert dans l’art militaire, avec de nombreux faits d’armes à son actif face aux Musulmans d’Espagne, le comte de Barcelone se rendit au Saint-Siège, escorté par sa flotte et ses troupes, pour baiser le pied du nouveau souverain pontife. Celui-ci, inquiet de l’arrivée des renforts maures en Corse, profita de cette rencontre pour enjoindre le prince catalan d’aller au secours du comte de Corse, dont la mission risquait à présent d’échouer, pourtant si près du but.
C’est ainsi que ce 30 août de l’an 817, à l’heure des vêpres, alors que le prince romain s’apprêtait à battre en retraite, les navires catalans s’engouffrèrent dans le golfe de Nebbio et débarquèrent discrètement derrière la Punta di a Mortella. Les envoyés du pape y établirent leur camp, à l’insu de Ciacon.
Alors sur les hauteurs, Ugo Colonna, qui vit la scène non sans joie, s’empressa d’aller à leur rencontre. Ciacon, lui, attendait l’arrivée des galères maures, ignorant que celles-ci avaient été précédées par celles du comte de Barcelone. Chrétiens et Musulmans virent ainsi leurs forces s’accroître considérablement pour une bataille qui s’annonçait des plus violentes.
A seguita in lu prossimu episodiu…
Thomas Selvini