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L’exode corse : les départs massifs

Durant une période de près de cent ans l’exode corse vers de multiples destinations fut le dernier facteur de déclin démographique majeur que connut l’île dans son histoire contemporaine. Par ces quelques lignes, je vous amène à découvrir la suite de l’épisode premier consacré aux raisons de l’exil des Corses à partir du XIXe siècle.

Au XIXe siècle, la Corse observa une croissance démographique conséquente, en effet, l’île vit sa population augmenter significativement en passant de 140 000 habitants au début de ce siècle, à 240 000 habitants, cinquante ans plus tard.

À ce titre, en 1936, la population locale atteignit un record avec 322 000 habitants, mais amorça quasiment aussitôt un déclin jusqu’en 1955.

Notons que cet accroissement fut essentiellement le résultat d’une forte natalité, renforcé par une baisse progressive de la mortalité et enfin additionné également d’une part d’immigration italienne. Cet accroissement se montra plus conséquent dans le Sud de l’île.

À ce titre, en 1936, la population locale atteignit un record avec 322 000 habitants, mais amorça quasiment aussitôt un déclin jusqu’en 1955. C’est alors que la Corse se détacha de la course démographique, qu’elle entretenait sans le savoir, avec ses îles voisines méditerranéennes, où l’essor continuait de façon exponentielle. Pourtant, jusqu’alors et pendant des décennies, les densités de populations de ces îles demeuraient comparables.

Or, en 1950, alors que les populations des îles de Sardaigne et de Chypre augmentèrent respectivement de 75 % et 125 %, la densité démographique de la Corse diminua quant à elle de 40 %. Ainsi, la population corse ne représenta plus alors que le tiers de la population sarde, diminuée dans sa chair par le désastre humain de la Grande Guerre qui priva les familles de leurs hommes les plus vaillants.

La marche vers ce départ constitua pour les Corses ruraux une possibilité de trouver des emplois aux salaires confortables – tout du moins incomparables avec ce qu’ils pouvaient imaginer percevoir grâce à l’agropastoralisme – et une promotion sociale que l’île natale ne pouvait offrir.

Vint s’ajouter à ce grand malheur, celui engagé plus tôt, dès la fin du XIXe siècle, de l’exode insulaire qui toucha notamment les zones rurales, enclavées mais néanmoins peuplées à l’instar de la Castagniccia. La marche vers ce départ constitua pour les Corses ruraux une possibilité de trouver des emplois aux salaires confortables – tout du moins incomparables avec ce qu’ils pouvaient imaginer percevoir grâce à l’agropastoralisme – et une promotion sociale que l’île natale ne pouvait offrir. Cette société corse sapée dans ses bases d’activité, recevant par ailleurs de terribles coups de l’histoire n’eut guère d’autre choix que la compensation par l’exil.

Les nombreux Corses concernés par cet exode partirent majoritairement dans l’administration française dans les grandes villes continentales françaises comme Marseille, considérée comme la capitale des Corses, là-bas ils y occupèrent majoritairement le quartier du Panier. C’est ainsi qu’en 1891, 45 000 insulaires vivaient sur le continent français, dont 25 000 dans les Bouches-du-Rhône et 5 000 à Paris.

En parallèle, beaucoup d’entre eux gagnèrent également les colonies. On estima à cet égard que la part des Corses dans le fonctionnariat colonial constituait 25 % des effectifs totaux.

« Les Corses forment une grande partie de l’armature splendide et forte de la France lointaine. »

ALBERT SARRAUT, MINISTRE DES COLONIES (1921)

Hors du cadre métropolitain et de celui du fonctionnariat, une forte immigration corse se développa également en Amérique Latine. On atteste d’une présence corse certaine a minima dès 1820 au Venezuela, à Haïti et à Porto Rico.

À partir du milieu du XIXe siècle, c’est surtout les Capicursini, qui fournirent le plus gros du  contingent d’Americani. Leur sort ne fut parfois pas plus brillant qu’en Corse, mais certaines fois, des réussites remarquables permirent à des familles de vivre un destin extraordinaire, telles que les familles Peraldi au Mexique ou Manfredi en Argentine.

Toutefois, pour ceux restés au pays, ces départs massifs de la jeunesse, en quête de réussite sociale et financière, fut vécue aussi comme un traumatisme. 

Cette situation, jointe à l’action des hommes politiques qui offraient des emplois à l’extérieur, entraîna inexorablement une baisse démographique qui ne sera plus jamais rehaussée par un solde naturel.

En constituant un quart du personnel d’État, la place des insulaires devient immanquablement incontournable au sein de l’administration française de façon générale, et coloniale en particulier.

Et bien qu’il soit encore  difficile pour les historiens de s’accorder sur un chiffre exact recensant la quantité d’insulaires expatriés en Algérie, on estime entre 150 000 et 200 000 le nombre de colons d’origine corse entre la période de la conquête et celle de la Seconde Guerre mondiale.

A ce titre, le gouverneur Joulia de Nouvelle-Calédonie affirma à ce sujet :

« Les Corses […] si nous pouvons garder les colonies, c’est grâce à eux. Ils vont partout, […] peuvent tenir tous les emplois, depuis celui de gendarme ou de douanier, jusqu’à celui de Gouverneur général. »

Albert Sarraut, ministre des colonies en 1921 ajoutera à son tour:

« Les Corses forment une grande partie de l’armature splendide et forte de la France lointaine. »

Le général Gouraud illustrera à son tour l’ampleur de la participation corse à la colonisation militaire à travers cette déclaration :

            « Il n’y aurait sans les Corses, ni colonies, ni Coloniale. »

L’Algérie devint une destination adéquate pour les Corses, et pour cause, l’escale entre Marseille et Alger se faisait à Bastia ou Ajaccio. Il faut noter également que cette situation d’exode insulaire vers les colonies constitua une aubaine pour l’État français qui essuyait l’échec du peuplement de cette colonie difficile à peupler.

Par le côté pratique de cette invitation au départ et par la proximité relative de ce pays, l’engouement des Corses pour cette destination a été très prégnant. Et bien qu’il soit encore  difficile pour les historiens de s’accorder sur un chiffre exact recensant la quantité d’insulaires expatriés en Algérie, on estime entre 150 000 et 200 000 le nombre de colons d’origine corse entre la période de la conquête et celle de la Seconde Guerre mondiale.

Les colonies ont accueilli bon nombre de personnages hors normes, qui tous à leur manière ont contribué à l’expansion française en outre-mer. Certains sont d’illustres fondateurs, d’autres ont seulement participé à hauteur de leur possibilité et de leurs fonctions à la conquête coloniale française. On retiendra notamment le colonel Jean-Luc Carbuccia en Algérie, de Xavier Coppolani « le Pacificateur de la Mauritanie ».

Arduinna Dupays-Ceccoli

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