Palatinu

Des origines des révolutions corses à la république de Paoli

En 1729 débutent les révolutions corses, c’est-à-dire le soulèvement des Corses contre la domination génoise. Elles dureront 40 ans, jusqu’en 1769, et se termineront par la conquête brutale par les troupes françaises du Comte de Vaux.  Ces 40 années de révolution marqueront évidemment la Corse mais également l’Europe, par le biais des nombreuses gazettes déjà présentes à l’époque. Nous allons nous intéresser ici à la première partie de ces révolutions, celle qui précède la République corse mise en place en 1755 par Pasquale Paoli. Cette période qui s’étend de 1729 à 1755 va connaître trois insurrections distinctes. La première insurrection débute en 1729 et se termine ne 1733, la seconde va de 1734 à 1741 et la dernière de 1742 à 1753. Chacune de ces insurrections suivra une ligne directive différente, le but lui reste le même, sortir de la domination génoise, dans un contexte politique différent et se terminera par l’intervention d’une puissance étrangère sur l’île. Mais comment naissent ces révolutions, qui font, selon Chateaubriand, de la Corse « l’école primaire des révolutions » ? Quelles en sont les causes ? Comment vont-elles s’inscrire dans le temps ?

Comme toutes les révolutions, les révolutions de Corse se forment après un long processus de dégradation de la situation, d’un ou deux siècles qui aboutira sur l’événement du Boziu de 1729, sur lequel nous allons revenir plus tard. En effet, même si la Corse semble apaisée depuis la fin de la Guerre de Sampieru Corsu en 1569, à la suite d’une refonte des institutions, une réactualisation des statuts civils et criminels et une relance de l’agriculture insulaire. Mais cela ne mettra pas fin au mécontentement, qui au fil du temps grandira par de multiples facteurs.

Le premier facteur est lié à cette relance de l’agriculture insulaire. Même si celle-ci relance l’économie insulaire en s’appuyant sur l’arboriculture, elle engendre des problèmes au niveau de la population locale. Tout d’abord, la Coltivatione, c’est ainsi que cette mise en valeur de la terre est appelée à l’époque, n’est pas accessible à tout le monde et seuls les notables, ayant les moyens de s’investir dans la politique de prêts de Gênes peuvent en profiter, laissant alors la majeure partie de la population de côté et créant ainsi de nouvelles tensions. Cette Coltivatione produit un autre problème car elle nécessite la clôture de nouvelles terres, ce qui va à l’encontre de la culture pastorale, notamment de la transhumance nioline, créant des incidents comme par exemple en 1705 quand des niolins vont attaquer, les armes à la mains, une de ces Coltivatione, appartenant au patricien génois Luiggi Saoli, dans les environs de Galeria. 

Ces chiffres sont évidemment exagérés et Antoine Laurent Serpentini a démontré qu’il y avait à cette époque une moyenne de 56 meurtres par an, ce qui fait de la Corse avec ses 120 000 habitants, l’une des régions les plus criminogènes de cette époque.

   Cette attaque de 1705, les armes à la mains, montre bien l’état d’insécurité dans lequel se trouve la Corse. La justice et les forces de police, toutes les deux inadaptées, insuffisantes et souvent corrompues, n’arrivent pas à endiguer la criminalité, surtout de sang liée à la vendetta, et ne parviennent pas à préserver la sécurité des biens et des gens, ce qui leur est aussi reproché par les Corses. Un rapport anonyme de 1731 intitulé Ragguali de’tumulti seguiti in Corsica, qui sera relié à la propagande génoise, explique que 28715 meurtres ont été commis dans l’île entre 1683 et 1715, soit une moyenne de 900 meurtres par an. Ces chiffres sont évidemment exagérés et Antoine Laurent Serpentini a démontré qu’il y avait à cette époques une moyenne de 56 meurtres par an, ce qui fait de la Corse avec ses 120 000 habitants, l’une des régions les plus criminogènes de cette époque.

 Afin de régler ce problème de criminalité de sang, Gênes à la demande de nombreux Corses, interdit le port d’arme en 1715. Même si cela réduit les crimes de sang, de nombreux conflits familiaux ont toujours lieu et cette violence privée se transforme parfois en prémisse de révolutions dans les années 1720, de plus en plus à partir de 1725 et 1726 avec l’attaque des différents dépôts d’armes sur l’île. Le véritable problème de cette interdiction de port d’arme est sa retombée fiscale sur les populations insulaires, retombée fiscale qui va produire de vives contestations.

 Cet événement du Boziu, selon la tradition, se déroule au cours du passage du collecteur d’impôt dans le village de Bustanicu, et met en scène un vieil homme surnommé Cardone […]

En effet, en 1715 à la suite de l’interdiction du port d’arme, Gênes va mettre en place l’impôt des due seini, s’élevant à 13 sous et 4 deniers, afin de ne pas perdre d’argent sur les patentes de port d’arme qu’elle ne perçoit plus. Cet impôt, à la base temporaire, a été renouvelé plusieurs fois, notamment pour une durée de dix ans en 1728, ce qui va être très mal reçu par les Corses car cet impôt est loin d’être le seul. Celui-ci se rajoute à la Taglia qui est elle-même sujette au mécontentement de la population car elle connaît de nombreux ajouts à l’imposition directe, le dernier en date est la taxe levée pour la construction du palais du gouverneur à Calvi, taxe toujours demandée en 1729 alors que l’idée d’installer le palais du gouverneur à Calvi a été abandonnée en 1656. C’est dans ce contexte fiscal très pesant pour les populations que va se dérouler l’événement du Boziu, l’étincelle des révolutions à venir, en décembre 1729.

Cet événement du Boziu, selon la tradition, se déroule au cours du passage du collecteur d’impôt dans le village de Bustanicu et met en scène un vieil homme surnommé Cardone ou bien un estropié selon la Giustifacazione de Don Gregorio Salvini qui ne pouvait pas payer l’intégralité de ses impôts. Il lui manque 4 deniers et en conséquence se voit refuser l’intégralité du paiement. Sur ce le village et la pieve du Boziu se seraient révoltés, cette révolte passant ensuite dans les pieve voisines comme en Tavagna avant de toucher tout le Deçà-des-Monts. Même si Cardone n’a surement jamais existé on sait selon des rapports génois que ces incidents fiscaux trouvent leur origine dans le Boziu. 

S’ajoutent à cette révolte fiscale les éléments énoncés précédemment mais aussi un mouvement de contestation chez les notables qui sont écartés de l’administration génoise, une fracture entre l’intérieur de l’île et les présides, une République génoise sur le déclin et qui ne peut être véritablement présente dans l’île et pour finir deux années, 1728 et 1729, avec de mauvaises récoltes. Tous ces éléments font que la révolte fiscale du Boziu se transforme en véritable révolution.

La révolte fiscale du Boziu va, en cette fin d’année 1729, toucher pratiquement tout le Deçà-des-Monts, en commençant par les pieve voisines comme la Tavagna ou Orezza. La chose est logique en ce que ce sont des pieve très peuplées à cette époque qui connaissent les même problèmes que le Boziu, notamment concernant un développement très inégal entre masse populaire et propriétaires terriens. Cette révolte générale va dans un premier temps être un mouvement des petites gens qui, sans être vraiment structurée et coordonnée, va se diriger sur les domaines agricoles littoraux (la Padulella et Migliacciaru) appartenant aux patriciens génois afin de trouver armes et nourriture, ou encore vers les présides et notamment Bastia qui est le centre du pouvoir génois.

Dès février 1730, cette vague de révolte va toucher différents présides sur l’île. En effet, la Balagne et la Conca d’Oru dans le Deçà-des-Monts, plus précisément Algaghjola et Saint-Florent, tous deux bastions génois, sont attaqués par des Niolins. Même le Delà-des-Monts sera touché, notamment avec l’attaque de Sartè par des bergers du Taravu ou encore l’attaque d’Aiacciu par les gens de Vicu et de Bastelica. Mais la plus grosse manifestation de cette révolte vers les présides se verra à Bastia. 

En effet, le 18 février, ce sont 3000 ou 4000 paysans, majoritairement de Tavagna, Orezza et Casinca, qui sont réunis sur les hauteurs de Bastia et qui menacent de rentrer dans Terra Vecchia, qui est le bourg non fortifié autour du port, et même de mettre en difficulté Terra Nova, bastion fortifié et où se trouvent le gouverneur et les officiers. Les Corses demandent, la restitution des armes, la baisse du prix du sel et la baisse de l’impôt à la livre. Après une journée de négociation non concluante, les Corses rentrent dans Terra Vecchia qui est livrée au pillage. Terra Vecchia est occupée par les Corses durant trois jours et ce n’est que sur les demandes de l’évêque d’Aleria que les pillages et l’occupation prennent fin. Cette attaque de Bastia, qui se répètera pour les autres insurrections, est la première action véritablement révolutionnaire.  

La révolution a maintenant débuté depuis plusieurs mois, s’articulant autour de plusieurs textes et d’une radicalité de plus en plus soutenue, et elle se doit de choisir des chefs pour la diriger. Ce choix se fera en suivant la coutume qui consiste à réunir le peuple en assemblée et d’acclamer le chef pour lui donner de la légitimité.

À la suite de cette attaque de Bastia, les génois proposent de recueillir les doléances des corses afin de les calmer et de garder le contrôle de l’île. Les corses présenteront leurs requêtes le 23 mai 1730 au général Veneroso, ces requêtes acceptent la soumission de la Corse face à la république génoise, mais un manifeste, lui beaucoup plus radical qui contient l’idéologie de la révolution, sera distribué en parallèle en Corse et en Europe. Quelques mois plus tard, alors que les réponses aux doléances sont arrivées, un autre texte, daté du 11 septembre 1730, encore plus radical, va commencer à circuler. Dans ce texte, des acteurs de la révolution, anonyme, appelle à s’unir à leur « juste cause » et on peut y voir un caractère national très marqué. Ce second texte est adressé à la population corse contrairement au premier qui était adressé à l’opinion européenne. La révolution va donc être accompagné par un corpus de texte, présent dans toute l’Europe.

La révolution a maintenant débuté depuis plusieurs mois, s’articulant autour de plusieurs textes et d’une radicalité de plus en plus soutenue, et elle se doit de choisir des chefs pour la diriger. Ce choix se fera en suivant la coutume qui consiste à réunir le peuple en assemblée et d’acclamer le chef pour lui donner de la légitimité. Cette assemblée, cette Consulta, du 22 décembre 1730 se tient à San Pancraziu di Furiani et va voir l’élection de Luigi Giafferi, âgé de 62 ans et leader de la Tavagna, et Andrea Ceccaldi, un notable de la Casinca, en tant que « généraux de la nation », de Carlo Francesco Raffalli, un clerc d’Orezza, en tant que « Président », et de Giovanni Francesco Lusinchi comme lieutenant général pour le Delà-des-Monts. Aux côtés de ceux-ci vont s’imposer quelques notables, notamment Giacinto Paoli qui sera très important lors de la seconde insurrection, qui vont devenir les cadres de la milice. A la suite de cette élection et en réponse à l’incendie de Furiani et de Vicu par les génois, les insurgées se dirigent à nouveau vers Bastia en cette fin de décembre 1730 et prennent plusieurs forts sur les dessus de Bastia. 

En effet, les chefs corses jouent la carte de la négociation avec Gênes lors de cette première insurrection, mais cherchent tout de même à s’étendre vers le Delà-des-Monts et trouver des appuis extérieurs.

Une trêve de quatre mois sera obtenue par le nouveau gouverneur de Corse et l’évêque de Mariana contre quelques concessions. Durant cette trêve, les deux généraux obtiennent, à la Consulta de Corti en février 1731, la levée d’un impôt de guerre leur permettant de financer la révolte. En avril de la même année, Giafferi et Ceccaldi réunissent un congrès de théologiens de vingt ecclésiastique, dix réguliers et dix séculiers, présidé par le chanoine Orticoni. Ce congrès a pour but de savoir si la révolution est légitime. Le congrès invitera les corses à attendre les résultats des négociations avec Gênes, en affirmant que la révolution sera légitime si la République opprime les peuples.

En effet, les chefs corses jouent la carte de la négociation avec Gênes lors de cette première insurrection, mais cherchent tout de même à s’étendre vers le Delà-des-Monts et trouver des appuis extérieurs. Mais Gênes ne laisse pas le temps au chanoine Orticoni, parti dans les différentes cours européennes, en sollicitant l’aide militaire de l’Empereur Charles VI. Les troupes du colonel de Wachtendonck débarquent à Bastia, entre le 9 et le 10 aout 1731, et chassent les rebelles de la ville. Ils ne suivront pas les insurgés dans l’intérieur du pays malgré les nombreuses demandes de Gênes. Il sera alors remplacé en avril 1732 par le Prince de Wurtemberg, avec de nombreux renfort, qui lui poussera les corses à la reddition et mettra fin à la Première insurrection.

 À la suite de la victoire des troupes de l’Empire, les chefs des insurgés sont capturés et transférés dans les prisons génoises en juillet 1732. Mais Gênes, par les accords passés avec l’Empire, doit pratiquer une politique d’apaisement et va donc libérer les chefs, qui vont se réfugier à l’étranger, avec les « concessions gracieuses » de janvier 1733. En juin 1733 les troupes impériales du prince de Wurtemberg quittent la Corse, et ce n’est que peu de temps après, en novembre 1733, que démarre la seconde insurrection.

Cette seconde insurrection va partir de la pieve du Rustinu et de deux hommes, Giacinto Paoli et Giovan Giacomo Ambrosi dit Castineta. En effet, ces deux hommes avec le Rustinu vont refuser la levée des nouveaux impôts génois qui sont perçus par la population comme un moyen de dédommager financièrement l’entretien des troupes de l’empire venues en Corse. Afin de résoudre le problème, le gouverneur de Corse va essayer d’arrêter les deux hommes, cette opération va être un échec total. Tout d’abord Paoli et Castineta ne sont pas arrêtés, ensuite les bandes formées dans le Rustinu vont alors encourager les pieve voisines à reprendre les armes. L’insurrection va alors se répandre rapidement dans le Deçà-des-Monts avant de toucher le Delà-des-Monts. Les premiers affrontements de cette seconde insurrection sont tous en faveur des nationaux, aidés par le retour de Giafferi et Aitelli sur l’île, avec des armes et des munitions obtenues auprès des Corses à Livourne. Paoli et Giafferi vont être nommés généraux en avril 1734 afin de diriger les conflits contre Gênes qui se ravivent, mais pour pouvoir continuer cette révolte les Corses se doivent de bien structurer le mouvement.

Enfin l’île est placée sous la protection de la Conception de la Vierge, le 8 décembre sera fêté, et le Dio vi salvi Regina devient l’hymne national.

Cette structuration se fera à la Cunsulta d’Orezza de janvier 1735. Pendant cette Cunsulta préparée par l’avocat Sébastien Costa, Giafferi, Paoli et Ceccaldi seront proclamés primats du royaume. Ceccaldi se trouvant en Espagne le pouvoir sera dans les mains des deux premiers. Se formera également une junte suprême de 12 membres, choisis par les primats, qui se voient déléguer une partie des prérogatives de ces derniers, ainsi que divers Uffizi, ou commission, un pour la monnaie, un pour la guerre, un pour les routes ou encore un pour les subsistances. Enfin l’île est placée sous la protection de la Conception de la Vierge, le 8 décembre sera fêté, et le Dio vi salvi Regina devient l’hymne national.

Une différence majeure de cette seconde insurrection avec la première, est la volonté des insurgés de véritablement se détacher de Gênes. En effet, les Corses impliqués dans la seconde insurrection veulent définitivement rompre les ponts avec la République de Gênes, chose visible à la Cunsulta d’Orezza qui affirme « l’éternelle séparation des Corses et des Génois, et de la Corse et de Gênes ». Un texte va alors être écrit afin d’exposer et de justifier les raisons du soulèvements et de la séparation avec la république génoise. Ce livre, Disinganno intorno alla guerra di Corsica scoperto da Curzio Tulliano Corso ad un suo amico dinorante nell’isola, écrit sous le nom de Curzio Tulliano Corso, en vérité par le chanoine Natali surement aidé d’Orticoni et Raffalli, est publié en novembre 1736. Dans ce livre, qui répond à un texte génois d’avril 1732, Natali va tout d’abord dénoncer la tyrannie génoise per governo, c’est-à-dire par abus de pouvoir. La première insurrection s’était arrêtée à cette dénonciation, qui ne permet pas de légitimer une véritable indépendance de la Corse ou du moins choisir une autre puissance, ce qui n’est pas forcément voulu à l’époque où les négociations étaient à l’ordre du jour, car par le droit divin du prince, on lui doit le respect malgré son mauvais gouvernement. Natali, va alors aller plus loin pour légitimer l’indépendance de la Corse ou le choix d’une autre puissance, en dénonçant la tyrannie de Gênes per titolo, par usurpation, ce qui permet de justifier la révolte car si le prince est un usurpateur, et donc pas de droit divin, on peut alors refuser sa domination.

C’est donc dans une optique séparatiste que se situent les insurgés en 1735, malgré leur mauvaise situation cette année-là. Effectivement, Gênes impose un blocus maritime aux insurgés, limitant les renforts venant de Livourne, et réalise des expéditions punitives à partir des présides qui touchent le moral des nationaux et l’opinion internationale est favorable à la République génoise. C’est alors que va débarquer sur l’île, en mars 1736, un certain Théodore de Neuhoff. 

Son règne fut éphémère, sept mois seulement, connut de nombreux échecs et très peu de victoires avant son départ pour Livourne en novembre 1736. Théodore continuera à se battre pour la Corse, cherchant des fonds et des alliés dans toute l’Europe, mais n’arrivera pas à y retourner malgré ses différentes tentatives en 1737, 1738 ou encore en 1743.

Le baron Théodore de Neuhoff débarque dans les environs d’Aleria, avec quelques canons, fusils et munitions, en Mars 1736. Ce baron est venu en Corse pour se faire élire roi. Ce choix d’un étranger comme roi permet de surmonter les divisions déjà présentes entre Paoli et Giafferi. Le choix d’un roi permet aussi de rallier les notables à la cause nationales en leur promettant ainsi une société d’ordre. Les premiers contacts entre la Corse et ce baron originaire de Westphalie se font en 1734 lorsque la possibilité de rattachement de la Corse au royaume d’Espagne s’éloignait. Le 15 avril 1736, une assemblée va élire le baron comme Théodore 1er roi de Corse, au couvent d’Alesani. Son règne fut éphémère, sept mois seulement, et connut nombreux échec et très peu de victoire avant son départ pour Livourne en novembre 1736. Théodore continuera à se battre pour la Corse, cherchant des fonds et des alliés dans toute l’Europe, mais n’arrivera pas à y retourner malgré ses différentes tentatives en 1737, 1738 ou encore en 1743.

Ce règne, loin d’être une réussite, permit tout de même à la révolte de rebondir. Gênes, n’arrivant alors plus à contenir les insurgés, va comme pour la première insurrection, faire appelle à une puissance extérieure, cette fois-ci la France. Les troupes françaises qui sont sous les ordres du général Boissieux débarquent, à Saint-Florent et à Bastia, en février 1738. Les négociations entre les français et les corses, représentés par le chanoine Orticoni et le médecin Gaffori, débutent immédiatement, les corses voulant se soumettre aux volontés du Roi de France, même rattacher l’île à son royaume, mais Gênes refuse. Les négociations continueront jusqu’à la publication d’un édit de pacification, datant du 18 novembre 1738, exigeant en particulier le désarmement de toute l’île, qui provoqueront la colère insulaire. Au mois de décembre de la même année, le désarmement ayant déjà commencé, les corses encerclent et mettent en défaite les troupes française stationnés dans le couvent de Borgo malgré l’arrivé de Boissieux avec 1400 hommes supplémentaire. Comme lors de la première insurrection une seconde vague d’assaillant va arriver, ici l’envoie de 6 nouveaux bataillons sous le marquis de Maillebois, et va pousser les chefs corses à l’exil. Les deux généraux Giafferi et Paoli, accompagné de son fils Pasquale, partent le 7 juillet 1739 de la Padulella, ce départ marque la fin de la seconde insurrection.

Les dernières troupes françaises partiront en septembre 1741, mais on sait très bien que les troubles renaîtront et que la France jouera encore une fois un rôle dans l’histoire, un « parti français » est apparu dans l’île ces dernières années. Cette troisième insurrection suivra les mêmes dynamiques que les deux premières, avec une multiplication d’incidents, une assemblée du peuple en Cunsulta qui désigne ses chefs, adopte et diffuse différents textes, un siège de Bastia qui est le centre du pouvoir génois et enfin l’appel d’une puissance étrangère par Gênes qui met fin au conflit. Mais cette troisième insurrection est marquée par la guerre de succession d’Autriche et ses nouvelles alliances. Ainsi certaines puissances européennes, qui ne s’étaient pas véritablement engagées auprès des Corses lors des précédentes insurrections, seront là bien présentes, notamment les Anglais, les Autrichiens et les Sardo-piemontais. Autre différence, ce coup-ci au sein même de l’île certains habitants des présides comme Bastia se placeront du côtés des nationaux et participeront au soulèvement.

Gaffori est très prudent et évite les conflits armés, il est aussi attentiste dans le contexte de la guerre de Succession d’Autriche, avec par exemple le bombardement de Gênes pas l’escadre anglaise en septembre 1745. En restant ferme, refusant les offres avantageuses de Gênes, Gaffori veut négocier et trouver une voie pacifique.

Les quelques années qui suivirent le départ des troupes françaises de 1741, sont marquées par un ralentissement de la révolution, qui est certes encore vivante mais totalement désorganisée et dispersée, malgré l’élection à la consulta du Boziu de Giovan Tomaso Giuliani et Brandimarte comme régents, et non généraux Théodore étant toujours le roi malgré ses échecs pour revenir sur l’île. Les génois au contraire, sont eux bien en place sur l’île depuis l’intervention française. Le soulèvement va se restructurer en 1745, avec la campagne commune de Giovan Pietro Gaffori, revenu d’exil en juin 1743 et Alerio Francesco Matra, dans une succession de consulte dans les pieve de Casinca, Orezza et Caccia. Ils seront tous les deux élus « conciliateurs et protecteurs de la nation et de la patrie », toujours sous couvert de la régence, en aout 1745, dans la pieve de Casinca. Gaffori apparait tout de même comme le nouveau chef de la révolution, en raison de la jeunesse de Matra, seulement 22 ans, de leur lien de parenté, beaux frères par le mariage, et des affaires importantes menées par Gaffori précédemment. Gaffori ne choisira pas d’être un chef de guerre mais un pacere, un conciliateur, mettant la justice au centre de sa politique et remplaçant alors la justice du podestat villageois ou du lieutenant de juridiction mis en place par Gênes. Gaffori est très prudent et évite les conflits armés, il est aussi attentiste dans le contexte de la guerre de Succession d’Autriche, avec par exemple le bombardement de Gênes pas l’escadre anglaise en septembre 1745. En restant ferme, refusant les offres avantageuses de Gênes, Gaffori veut négocier et trouver une voie pacifique.

Tout d’abord le Delà-des-Monts penche de plus en plus du côté de Gênes en s’enrôlant pour la défense d’Ajaccio, en particulier le soutien des 200 grecs de Paomia.

Cette volonté de faire la paix sera mise à rude épreuve avec l’intervention en Corse du Royaume de Sardaigne en Corse. Le 2 octobre 1745, le roi de Sardaigne publie une « proclamation en faveur des corses » et accorde « sa royale protection, son assistance et la fourniture de toutes les aides en son pouvoir » en affirmant son appui auprès des anglais et des autrichiens.  Au mois de novembre, Domenico Rivarola, colonel au service du roi de Sardaigne, va alors débarquer sur l’île, au niveau de l’Ostriconi en Balagne, avec pas moins de quinze vaisseaux anglais, dont sept navire de guerre, et son régiment. Ce régiment se dirigea directement vers Bastia et le 16 novembre, les troupes de Rivarola et la flotte anglaise se présentent devant Bastia. Après le refus des génois de laisser la ville à Rivarola et une première salve sur la flotte anglaise, cette dernière va bombarder la ville de Bastia pendant 17 heures en lançant plus de 900 bombes. La flotte anglaise, pour cause de vents contraires, devra se retirer au large mais le commissaire général sous la pression des bastiais parti pour Calvi et le 21 septembre la municipalité remis la clé de la ville à Rivarola. Gaffori, qui s’était engager auprès de Gênes de rester dans l’intérieur de l’île, se dirigea vers Bastia directement après avoir appris la nouvelle de la prise de la ville, il y arriva le 21 novembre.

Cette prise de la ville peut signifier une victoire de l’insurrection. Mais la situation va vite tourner. Tout d’abord le Delà-des-Monts penche de plus en plus du côté de Gênes en s’enrôlant pour la défense d’Ajaccio, en particulier le soutien des 200 grecs de Paomia. Les relations entre Rivarola et Gaffori ne sont pas au beau fixe non plus, Gaffori veut préserver la neutralité de la Corse dans le contexte de la guerre de Succession d’Autriche, et refuse de laisser la première place à Rivarola qui, pour lui, n’a pas la légitimité poulaire. Gaffori va jusqu’à demander au roi de Sardaigne, dans une lettre datant du 13 décembre, le retrait de Rivarola. Le 15 décembre, une consulta votera le départ de Rivarola, départ qui lui sera demandé par le roi de Sardaigne le 9 janvier 1746. Cette rivalité entre les différents partis et quelques journée de confusion auront raison de la prise de la ville avec le départ des troupes de Rivarola, qui occupait Terra Vecchia, et de Gaffori, sur Terra Nova, à la mi-janvier 1746.

On peut alors penser que Gênes va reprendre le contrôle de l’île et mettre fin à l’insurrection, mais dans les faits celle-ci est très affaiblie par l’occupation Autrichienne de septembre à décembre 1746 et Gaffori après avoir repris le château de Corti le 7 juillet 1746 se décide à chercher de l’aide du côté sarde. Rivarola revient alors en Corse et, exactement un an après la prise du château de Corti par Gaffori, se saisit de Terra Vecchia. Terra nova tient jusqu’en septembre, Gênes fera alors appel à 500 hommes de troupes placés sous le commandement de Choiseul qui vaincra Rivarola en quelques heures avec de lourdes pertes.

La situation continuera de se compliquer pour les génois, avec le débarquement de troupes sarde et allemande, sous le chevalier de Cumiana et le siège de Bastia en mai 1746. Heureusement pour Gênes deux contingents français débarqueront sur l’île également, le premier en mai, le second sous Cursay en juin. Rapidement les chefs des insurgés, sur la promesse de protection du Roi de France, se plièrent à la pacification de l’île, aucun conflit sérieux n’éclatera entre les Corses et la France jusqu’au départ des troupes de celle-ci en 1753. Mais dès le départ des Français la situation est ingérable et peu claire, Gaffori apparaîtra comme étant le seul chef légitime et poussera les Corses vers l’unité. Son assassinat en octobre de la même année mettra fin à la troisième insurrection.

La disparition de Gaffori désorganisa totalement le soulèvement et renforça les divisions entre les différents partis. Après une période de transition marquée par la mise en place du Conseil d’État, un jeune sous-lieutenant de l’armée de Naples va réussir à réunir les Corses et à structurer une véritable république corse qui marquera véritablement la fin de la Corse génoise.

Pierre-François Marchiani

Bibliographie :

  Franzini, Antoine. Un siècle de révolutions corses : naissance d’un sujet politique, 1729-1802. Collection Révolutions. Paris : Vendémiaire, 2017. 

Graziani, Antoine-Marie, éd. Histoire de la Corse. Ajaccio : Piazzola, 2013.

Graziani, Antoine-Marie. La Corse génoise : économie, société, culture : période moderne, 1453-1768. Sources de l’histoire de la Corse, no 5. Ajaccio : Editions A. Piazzola, 1997.

             Graziani, Antoine-Marie. Pascal Paoli, père de la patrie corse. Nouv. éd. revue et Augmentée. Biographie. Paris : Tallandier, 2004. 

Pomponi, Francis, éd. Le Mémorial des Corses–. Ajaccio (19 cours Napoléon 20000) : Le Mémorial des Corses, 1979. 

Serpentini, Antoine Laurent, éd. Dictionnaire historique de la Corse. Ajaccio : Albiana, 2006.

Serpentini, Antoine Laurent. Théodore de Neuhoff, roi de Corse: un aventurier européen au XVIIIe siècle. Bibliothèque d’histoire de la Corse. Ajaccio : Albiana, 2011.

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